Voilà une pandémie qui, depuis la découverte des premiers cas au printemps 2009 au Mexique, a fait couler beaucoup d’encre. Les ressortissants des pays riches s’affolent et passent leur temps à débattre de sa gravité, de l’intérêt de la vaccination, etc. Bien sûr, ces réactions sont le plus souvent une illustration de l’ignorance et de l’égocentrisme le plus ridicule. Bien sûr aussi, presque tout le monde oublie les pays en voie de développement. Cet article a pour objectif de tenter d’aller un peu au-delà de l’émotionnel, pour réfléchir sur deux faits qui me semblent importants : la gravité de la grippe dans sa forme actuelle, et les risques liés à la vaccination.
Tout d’abord la gravité de la pandémie. Pour le moment, selon le bilan hebdomadaire de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), jusqu'au 3 janvier 2010, la grippe A/H1N1 a fait au moins 14751 morts dans plus de 208 pays et régions à travers du monde. La moitié des victimes se trouvent sur le continent américain (7513 morts, dont 2886 aux Etats Unis), un tiers en Asie (4320 morts, surtout en Inde et en Chine). L’Europe paie un tribut moins lourd (2299 morts, dont 198 en France). En Afrique, « seulement » 386 morts ont été recensés, dont 145 en Egypte, mais ces chiffres encourageants peuvent cacher une réalité qui l’est moins, à savoir que dans les pays les plus pauvres, les personnes peuvent plus fréquemment mourir de cette maladie sans que les tests permettant un diagnostic certain aient pu être réalisés. Il faudrait comparer ces chiffres avec ceux d’autres statistiques sanitaires comme par exemple les 1,5 million d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de diarrhée, deuxième cause de mortalité infantile après la pneumonie, selon un rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ou encore au fait qu'un enfant de moins de 5 ans meure du paludisme toutes les 40 secondes en Afrique. Ou bien au fait que la tuberculose a tué 1,77 million de personnes en 2007. Ces premières indications poussent donc à relativiser l’amplitude du phénomène.
Cependant, et c’est là le second point qu’il faudrait souligner, ce type de virus peut muter en une forme plus dangereuse, pénétrant plus facilement dans les poumons par exemple. Si donc la forme circulant actuellement est en général peu grave, une forme plus grave pourrait apparaître, qui serait particulièrement dangereuse et mortelle. Et c’est pour cette raison que la vaccination est particulièrement intéressante. En effet, si les autorités sanitaires font une campagne si insistante sur la nécessité de vacciner le plus de personnes possible, ce n’est pas parce que l’on craint la gravité de la maladie (elle n’est actuellement guère plus dangereuse que la grippe saisonnière), mais parce qu’elles font le pari que moins il y aura de personnes infectées, moins le risque de propagation et donc de mutation de virus sera important. Si donc on conseille aux personnes de se faire vacciner, ce n’est pas tant pour qu’elles se protègent elles mêmes, mais pour qu’elles protègent les autres contre des risques encore plus graves. Agit pour le bien commun s’est donc aller se faire vacciner. Evidemment, l’idéal serait de vacciner également les populations des zones les plus pauvres du globe, et là des mesures seraient à mettre en œuvre par les organisations internationales. Mais en se vaccinant ici, on fait déjà un premier pas vers la protection des personnes des pays pauvres. Bien sûr, cette stratégie se fonde sur le pari que la vaccination du plus grand nombre freinera la propagation de virus et réduira les risques de mutation. Même si cela reste encore à prouver, et si pour certains cela revient à appliquer de façon peut être excessive le principe de précaution, c’est sans doute une attitude que l’on peut adopter !
Si donc nous voulons êtres fraternels avec les pays les plus pauvres, nous pouvons adopter une attitude en 3 points : a) attirer l’attention des autorités sur les autres risques sanitaires auxquels les ressortissants des pays pauvres sont soumis chaque jour ; b) faire en sorte que des vaccins et des traitements contre la grippe A soient disponibles dans les pays du sud autant que chez nous ; c) accepter de nous faire vacciner, pour éviter la diffusion du virus.