Depuis longtemps, je souhaite acheter chaque semaine un "panier bio" pour être solidaire avec les maraîchers près de chez moi, et ainsi agir pour l'environnement (moins de transport, donc moins de pollution.. un petit geste pour les générations futures). Mais voilà: je voyage beaucoup pour mon travail, et je risque souvent de me retrouver avec mon "panier sur les bras" puisque l'achat de ces paniers se fait par abonnement. Que faire? voilà qu'une amie, qui elle aussi achète son panier chaque semaine, me propose d'en acheter un pour moi , et, si je ne l'utilise pas une semaine, d'en prendre ainsi un deuxème pour elle et sa famille.. Quelle aubaine! elle m'aide vraiment à avancer dans le sens de l'écologie et de la solidarité! je me dis que parfois, agir pour la fraternité c'est aussi permettre à d'autres d'agir, comme le fait cette amie.. En plus, comme je vais chez elle chaque semaine pour chercher le panier, cela permet de nourir davantage la relation avec elle. Son idée a donc permis deux choses: développer le lien entre nous, et agir ensemble pour la fraternité.
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Dépasser ses préjugés
Je fais de la recherche dans le domaine des neurosciences comportementales, un domaine peu ouvert à la modélisation mathématique, à la fois en raison de l’insuffisance de données exploitables, mais aussi pour des raisons plus profondément idéologiques, car nous n’aimons en général pas beaucoup l’idée que le comportement humain puisse être explicable par des équations. Voilà qu’un ami, chercheur en économie, me propose de faire un modèle mathématique des hypothèses que je défends dans mon domaine. Je sens en lui beaucoup d’écoute, et d’intérêt gratuit pour ce que je fais ; je sais qu’il vit lui aussi pour un monde plus fraternel, ce qui me pousse à voir des motivations positives dans ce projet. En même temps, m’aventurer dans la direction qu’il propose est une barrière culturelle quasiment infranchissable pour moi. Je décide néanmoins d’écouter ce qu’il propose, et de me lancer dans le vide, en dépit des préjugés et des réserves, nombreuses, que j’ai par avance. Cela m’occasionne beaucoup de travail, et petit à petit, au travers de cette collaboration, je combien à quel point mon domaine est peu précis, incapable souvent de fournir les données qui seraient nécessaires. Nous aboutissons à une première ébauche, qui ne résistera guère à un argumentaire sérieux. Une seconde tentative n’aboutira pas davantage. Mais nous continuons le dialogue et finalement un troisième manuscrit se fait jour, qui sera soumis à un éditeur. Cet éclairage des mathématiques me fait voir les limites de nos travaux, car je suis incapable de répondre sérieusement à la plupart des questions qu’il pose, et en même temps, cette modélisation, avec les pauvres données que j’ai pu fournir, permet d’élaborer de nouvelles hypothèses qui viendront nourrir mon travail futur. Autrement dit, voilà un nouvel éclairage qui fait avancer ma discipline, mais qui me vient d’une autre discipline que j’aurais eu tendance de considérer comme une « ennemie ». Hier, j’ai appris que l’article avait été accepté par le journal spécialisé, et bien sûr, j’étais ravie. C’est le fruit de 5 ans d’efforts, mais je me dis que ça valait la peine de laisser tomber mes préjugés pour m’ouvrir à ce dialogue !