La notion d’interdisciplinarité est très en vogue, au point que le mot semble devenu le sésame ouvrant toutes les portes, donnant droit à tous les financements. On ne peut bien sûr que s’en réjouir, tant la spécialisation à outrance peut parfois être stérile. Et pourtant, cet engouement s’accompagne de bien des travers, qui ne peuvent qu’en limiter la portée. Bien souvent, l’interdisciplinarité n’est qu’un mot creux, un discours convenu, dans lequel chacun se contente de rappeler les limites de l’approche purement disciplinaire, d’en dresser l’histoire, ou, pire encore, de faire des déclarations d’intention vagues, regrettant un âge d’or passé dans lequel la séparation disciplinaire n’existait pas. Cela aboutit malheureusement à un magma sans délimitation claire, dans laquelle la richesse de chaque discipline est gommée. Comme si l’échange ne pouvait aboutir qu’à la perte de la richesse de chacun. Est-ce le constat d’un défi impossible à atteindre ? Non, car je pense qu’une autre approche est possible, dans laquelle la diversité de chaque discipline est respectée tout en étant ouverte à la richesse de l’autre. Déjà, des tentatives naissent et, pour illustrer mon propos, je vais m’appuyer sur deux exemples : un enseignement qui a lieu à l’université de Tours et une rencontre qui a lieu chaque année dans le Sud de la Charente. L’enseignement en question regroupe des doctorants de plusieurs disciplines (physique, mathématique, biologie, psychologie, informatique) et des professeurs (deux physiciens, un économiste et une psychobiologiste). L’originalité de ce cours réside à la fois dans la méthode (chacun des enseignants participe aux cours des autres, pourtant situés dans un champ disciplinaire éloigné, en posant des questions, en faisant un développement sur un point précis, devenant ainsi tour à tour enseignant et élève) et dans le contenu pédagogique, qui est une véritable gageure: faire entrer chacun dans le monde de l’autre et en échange recevoir de l’autre un point de vue sur sa propre discipline pourtant si spécialisée. Ainsi, le psychologue entre dans le monde du physicien et renvoie à ce dernier ce qu’il a reçu, ce qui vient par une sorte d’effet boomerang » féconder le champ de la physique. Cette expérience novatrice est particulièrement riche, aussi bien pour celui qui fait le cours (qui ressent la nécessité de clarifier son discours bien plus que lorsqu’il s’adresse à un auditoire spécialisé) que pour celui qui le reçoit (qui s’enrichit aussi en pénétrant dans la méthodologie de l’autre). Ainsi, chacun est renforcé dans son identité, tout en voyant son propre domaine prendre une nouvelle tournure. Dans le même esprit, des chercheurs de diverses disciplines (biologie, physique, économie) font l’expérience depuis plusieurs années de se retrouver en été pour quelques jours de travail à la campagne, dans le cadre bucolique de Sainte Souline, petit hameau du Sud des Charentes. Chacun amène son ordinateur, et travaille dans son domaine. Les échanges, destinés à entrer dans le monde de l’autre, se font spontanément (par exemple pendant la préparation ou le partage du repas), ou lors de communications plus élaborées, dans lesquelles chacun présente son travail disciplinaire. Il ne s’agit pas ici de produire un alliage informe qui n’aurait plus aucune des caractéristiques spécifiques de chaque discipline, mais bien de dialoguer dans un esprit d’échange tel que chacun garde son identité. Ainsi, une interdisciplinarité renouvelée est en train de naître, qui respecte l’identité de chacun.
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Bonnes nouvelles au JT
Non, le journal télévisé ne fait pas seulement sensation avec des faits divers affligeants. Parfois, on y trouve aussi des infos belles, montrant un plus dans le sens de la fraternité.
Deux exemples cette fin de semaine. Samedi: on nous annonce le décès de notre ancien premier ministre, Raymond Barre. Il a été aussi maire de Lyon. Et voici qu'on nous présente son successeur à la mairie, Gérard Collomb, du bord politique opposé (l'actuel maire est socialiste, et Raymond Barre était UDF), qui ne tarit pas d'éloge sur le disparu. Et Gérard Collomb d'évoquer avec bonheur devat les caméras les visites impromptues de Raymond Barre, lui proposant de faire ensemble un tour dans leur ville.. On sentait deux hommes, de bords politiques opposés, mais avec un même regard orienté autour du bien commun de Lyon.
Autre exemple: la tradition oppose les agriculteurs, décrits volontiers comme "pollueurs", épadant force insecticides et les apiculteurs, qui en souffrent puisque les insecticides tuents les malheureuses abeilles. Et pourtant, ces deux opposés peuvent aller au delà de ces querelles et s'allier pour le bien des deux parties: des apiculteurs fournissent gratuitement aux agriculteurs des semences pour faire fleurir des jachères fleuries, dites jachères apicoles (plus de renseignements sur http://www.jacheres-apicoles.fr/index.php), les agriculteurs qui ont l'obligation des jachères les sèment, pour le plus grand bien des abeilles et des apiculteurs... Conclusion: l'unité fait progresser chacun, cqfd! -
Où est l'erreur?
Certains sujets de société déclenchent des passions. J'y pensais hier en entendant l'actualité. Le journaliste évoquait une confrontation entre d'une part des agriculteurs cultivant des OGM et défendant la notion de propriété privée et d'autre part des militants anti-OGM, défendant le principe de précaution. Je n'ai personnellement pas d'opinion tranchée sur la question, car je ne sais pas bien évaluer où est le moindre mal pour une société plus fraternelle: les OGM peuvent permettre d'augmenter le rendement de certaines cultures et donc fournir une alimentation diversifiée dans les pays pauvres, ils peuvent aussi permettre de réduire l'épandage d'insecticides (ces deux aspects sont positifs) mais en même temps on ne sait pas évaluer le risque à moyen terme (c'est peu fraternel pour les générations futures). L'idée ici n'est pas d'en débattre. Cependant, il est une chose dont je suis certaine: l'attitude des uns envers les autres est tout sauf respecteuse et fraternelle. Pour avancer sur cette question, il serait surtout nécessaire que les uns et les autres parviennent à éliminer les attitudes trop émotionnelles, à écouter l'autre respectueusement jusqu'au bout, sans s'énnerver et en étant prêt éventuellement à changer d'opinion, ou, du moins, de croire que l'opinion de l'autre contient aussi du positif et une richesse. Bref, ce qui serait nécessaire, c'est un vrai dialogue!