Je rentre du Forum Social Mondial à Dakar... De quoi s’agit-il ? A première vue, un joyeux et pacifique méli mélo puisque des associations, mouvements, courants d’idées aussi divers que la Caritas, Attac, l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique, Transform’Europe, la Cimade, le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde ou les Focolaris se réunissent en un même lieu pour débattre, échanger leurs idées et leurs initiatives en faveur d’une société plus juste, plus fraternelle. Pour eux, un autre monde est possible. Et non seulement les communications viennent de bords aussi différents, mais aussi de toute la planète, de l’Inde au Brésil en passant par l’Afrique ou l’Europe. L’effervescence est garantie d’autant plus que chaque jour, on trouve quasiment 150 ateliers (et pendant 4 jours) de 3 heures sur la dignité humaine, la justice, l’égalité, l’accès à l’eau, la souveraineté alimentaire, la préservation des droits humains, la protection de l’environnement, la promotion de la démocratie, etc. C’est un laboratoire, dans lequel sont débattues des propositions comme par exemple le «Basic Income» (un revenu minimal garanti à chacun) ou le commerce équitable. Cette année, le Forum en est à sa 10ème édition, puisque cette dynamique a commencé en 2001 avec un 1er Forum à Porto Allègre (Brésil). Et, autre caractéristique de l’édition 2011: le Forum se tient à Dakar, au Sénégal. En soi, le seul fait qu’un tel espace de discussion puisse se tenir presque tous les ans, à l’échelle mondiale, en réunissant des acteurs aussi hétéroclites tient déjà de la prouesse la plus improbable. Cependant, bien que ces éditions successives soient un réel succès (de 100 000 à 130 000 participants), l’organisation du Forum a déjà connu des crises majeures en particulier lorsqu’il y a 2-3 ans certains groupes occidentaux idéologiquement très marqués n’ont plus pu soutenir financièrement le Forum. Mais c’est justement à partir de cette crise que le Forum a rebondi pour relever de nouveaux défis. En particulier, comme certaines causes pour les droits humains imposent le respect de la culture des peuples traditionnels comme les Indiens d’Amazonie ou certaines ethnies africaines, lesquelles incluent des valeurs spirituelles et religieuses, les associations de tout bord ont du dialoguer avec cette composante religieuse. Un vrai défi, à la fois pour certains groupes peu enclins à s’ouvrir à cette dimension de l’Homme mais aussi pour les organisations religieuses, contraintes ainsi de se focaliser de façon plus explicite sur les contenus plus humanistes de leur foi. Ainsi, bien que la contribution du Forum consiste essentiellement à favoriser l’émergence de nouveaux concepts dans le domaine social, son impact se situe bien au-delà de ces limites, en particulier dans le domaine du dialogue entre les cultures et les convictions, qu’elles soient ou non religieuses. On peut ainsi conclure que le Forum est passé d’un débat exclusivement centré autour de nouvelles orientations sociales à un dialogue ouvert aussi aux diverses spiritualités.
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Forum Social
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Aider l'autre à agir pour la fraternité
Depuis longtemps, je souhaite acheter chaque semaine un "panier bio" pour être solidaire avec les maraîchers près de chez moi, et ainsi agir pour l'environnement (moins de transport, donc moins de pollution.. un petit geste pour les générations futures). Mais voilà: je voyage beaucoup pour mon travail, et je risque souvent de me retrouver avec mon "panier sur les bras" puisque l'achat de ces paniers se fait par abonnement. Que faire? voilà qu'une amie, qui elle aussi achète son panier chaque semaine, me propose d'en acheter un pour moi , et, si je ne l'utilise pas une semaine, d'en prendre ainsi un deuxème pour elle et sa famille.. Quelle aubaine! elle m'aide vraiment à avancer dans le sens de l'écologie et de la solidarité! je me dis que parfois, agir pour la fraternité c'est aussi permettre à d'autres d'agir, comme le fait cette amie.. En plus, comme je vais chez elle chaque semaine pour chercher le panier, cela permet de nourir davantage la relation avec elle. Son idée a donc permis deux choses: développer le lien entre nous, et agir ensemble pour la fraternité.
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Dépasser ses préjugés
Je fais de la recherche dans le domaine des neurosciences comportementales, un domaine peu ouvert à la modélisation mathématique, à la fois en raison de l’insuffisance de données exploitables, mais aussi pour des raisons plus profondément idéologiques, car nous n’aimons en général pas beaucoup l’idée que le comportement humain puisse être explicable par des équations. Voilà qu’un ami, chercheur en économie, me propose de faire un modèle mathématique des hypothèses que je défends dans mon domaine. Je sens en lui beaucoup d’écoute, et d’intérêt gratuit pour ce que je fais ; je sais qu’il vit lui aussi pour un monde plus fraternel, ce qui me pousse à voir des motivations positives dans ce projet. En même temps, m’aventurer dans la direction qu’il propose est une barrière culturelle quasiment infranchissable pour moi. Je décide néanmoins d’écouter ce qu’il propose, et de me lancer dans le vide, en dépit des préjugés et des réserves, nombreuses, que j’ai par avance. Cela m’occasionne beaucoup de travail, et petit à petit, au travers de cette collaboration, je combien à quel point mon domaine est peu précis, incapable souvent de fournir les données qui seraient nécessaires. Nous aboutissons à une première ébauche, qui ne résistera guère à un argumentaire sérieux. Une seconde tentative n’aboutira pas davantage. Mais nous continuons le dialogue et finalement un troisième manuscrit se fait jour, qui sera soumis à un éditeur. Cet éclairage des mathématiques me fait voir les limites de nos travaux, car je suis incapable de répondre sérieusement à la plupart des questions qu’il pose, et en même temps, cette modélisation, avec les pauvres données que j’ai pu fournir, permet d’élaborer de nouvelles hypothèses qui viendront nourrir mon travail futur. Autrement dit, voilà un nouvel éclairage qui fait avancer ma discipline, mais qui me vient d’une autre discipline que j’aurais eu tendance de considérer comme une « ennemie ». Hier, j’ai appris que l’article avait été accepté par le journal spécialisé, et bien sûr, j’étais ravie. C’est le fruit de 5 ans d’efforts, mais je me dis que ça valait la peine de laisser tomber mes préjugés pour m’ouvrir à ce dialogue !