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Se soucier de l'autre - Page 6

  • Petit geste

    Ce n'est qu'un petit geste. Ce soir, devant la porte de l'immeuble, un sachet en plastique vole au vent. Je m'apprête à continuer mon chemin, me disant qu'il s'envolera ailleurs, que quelqu'un sûrement le rammasera, que sais-je encore? Mais une petite voix, au fond de moi, se fait audible: est-ce fraternel de laisser quelqu'un d'autre le faire? je reviens en arrière, court après le sachet, l'attrape enfin, le rammasse, descend à la poubelle collective de l'immeuble pour le déposer. Ce n'est qu'un geste minuscule, presque rien. Mais n'est ce pas plus fraternel d'offrir à la personne suivante qui passera ici un monde un tout petit peu plus beau, car débarassé de ce sachet? Mettre un peu de beauté dans le monde, voilà aussi un geste de fraternité.

  • Je n'ai fait que sourire

    Je suis responsable d'un laboratoire de recherche à la fac. Tous les soirs, alors que je suis encore dans mon bureau, un agent d'une société privée passe faire le ménage. Il rentre dans la pièce pour prendre la poubelle et, pour éviter qu'il n'ait à se baisser, je la lui tends en le regardant droit dans les yeux et en souriant: il la prend, la vide et me la rend, me regardant lui aussi en souriant. Pendant des mois, rien d'autre que ces sourires échangés: l'homme fait son travail et moi le mien, dans une relation de respect mutuel. Un jour, au bout de quelques mois, nous commençons à échanger quelques mots: il découvre que je connais son pays, le Togo, pour y avoir mené une action humanitaire. Et nous découvrons d'autres points communs, comme la valeur accordée au soucis de l'autre, le goût pour la fraternité. Les échanges deviendront plus denses. Un jour, il m'annonce son intention de démissioner de la société qui l'a embauché. Je m'inquiète de ses revenus qui risquent de devenir insuffisants. L'homme m'explique alors qu'il possède plusieurs commerces en ville et que ce revenu ne lui est pas nécessaire. Qu'il avait seulement décidé de faire une "expérience" dans le but de constater comment était traité un homme de ménage noir dans une université française. Son constat est accablant: en dehors de notre service, personne n'a croisé son regard, personne n'a sourit, comme s'il n'existait pas. J'en suis révulsée d'horreur: tant de mépris chez nous? Pourtant, je n'ai fait que le regarder et sourire...

  • A la caisse de la superette

    Ce soir, en sortant du travail, je vais acheter 2-3 babioles à la superette du coin. A la caisse, je remarque le comportement des gens. Une femme appelle un numéro avec son portable alors que son tour est arrivé de payer ses achats. Aucune attention portée à la caissière, puisque la cliente continue la conversation, sans ce soucier des gens autour d'elle et encore moins de la caissière. Une autre met ses articles sur le tapis roulant de la caisse, les récupère à l'autre bout, paie et s'en va. A aucun moment, elle n'a regardé la caissière ou dit un mot. Les gens sont là, mais ils sont plus encore ailleurs. Je me dis que la fraternité, c'est de prêter attention à ceux qui sont à côté de nous maintenant, d'être présente à ces actes simples à l'instant présent. Quand arrive mon tour, je salue la caissière, croise son regard, lui offre un sourire, lui montre qu'elle est présente en moi à cet instant. Pas grand chose en fait, presque rien. Mais la fraternité se construit avec presque rien.